Congés payés et heures supplémentaires

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16 octobre 2025

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Le 10 septembre 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision très attendue concernant l’articulation entre les congés payés et le décompte des heures supplémentaires.
Cet arrêt marque un revirement majeur dans la jurisprudence française, sous l’influence directe du droit de l’Union européenne.

Jusqu’ici : une pratique contestée

Traditionnellement, les périodes de congés payés n’étaient pas assimilées à du temps de travail effectif pour le calcul des heures supplémentaires.

En pratique, cela signifiait que lorsqu’un salarié prenait une semaine de congés dans un mois très chargé, ces jours n’étaient pas pris en compte pour déterminer le seuil déclenchant les heures supplémentaires.

Exemple :
Un salarié à temps plein (35 h/semaine) a travaillé 38 heures sur une semaine et avait posé 7 heures de congés payés sur cette même semaine :
Auparavant, seules les 38 heures de travail effectif étaient comptées, soit 35h de travail à taux normal et 3 heures supplémentaires.
Les 7 heures de congés n’étaient pas intégrées dans le calcul.

Cette position, solidement ancrée dans la jurisprudence française, créait une divergence avec le droit européen, plus protecteur des droits des salariés.

Le rôle déterminant du droit de l’Union européenne

Le droit de l’Union européenne impose une interprétation protectrice du droit au congé payé et du principe d’égalité de traitement.
L’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que :

« Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés. »

Autrement dit, toute disposition qui pourrait dissuader un salarié de prendre ses congés est contraire au droit européen.
C’est notamment le cas lorsqu’un salarié perd un avantage financier du fait de la prise de congés.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé ce principe dans un arrêt du 13 janvier 2022 (affaire C-514/20), rendu à la suite d’une demande du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail allemande).
La CJUE y a affirmé que les congés payés ne doivent pas désavantager le salarié, ni dans sa rémunération, ni dans ses droits liés au travail, tels que les heures supplémentaires.

Ainsi, exclure les congés payés du calcul des heures supplémentaires constitue une atteinte au droit au repos effectif et à l’égalité de traitement.

Le revirement de la Cour de cassation (arrêt du 10 septembre 2025)

Compte tenu de la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit interne, la Cour de cassation a été contrainte de modifier sa position.

Dans son arrêt du 10 septembre 2025, la Haute juridiction énonce désormais clairement que :

 « Les périodes de congés payés doivent être prises en compte pour le calcul des heures supplémentaires. »

Ce que cela change concrètement

Désormais, pour le décompte hebdomadaire du temps de travail :

  • Les congés payés sont assimilés à du temps de travail.

  • Un salarié peut donc prétendre à des heures supplémentaires, même s’il n’a pas accompli 35 heures de travail « effectif ».

Exemple concret :
Un salarié à temps plein (35 h/semaine) a travaillé 38 heures sur une semaine et avait posé 7 heures de congés payés sur cette même semaine :
Son total hebdomadaire pris en compte est désormais 45 heures (38 + 7).
–> 10 heures supplémentaires sont donc dues, au lieu de 3 auparavant.

Ce revirement aligne enfin la jurisprudence française sur celle de la CJUE, assurant une égalité de traitement entre les salariés, qu’ils aient ou non pris leurs congés.

Les conséquences pratiques pour les entreprises

Cette nouvelle interprétation entraîne des conséquences importantes pour les services RH et paie :

  1. Recalcul des heures supplémentaires :
    Les congés payés doivent désormais être intégrés dans le décompte du temps de travail.
    Les logiciels de paie et les tableaux de suivi doivent être adaptés en conséquence.

  2. Rappel de salaires possibles :
    Les salariés peuvent revendiquer un rappel de salaire pour les heures supplémentaires non comptabilisées, y compris pour les périodes passées non prescrites.

  3. Risque contentieux accru :
    En cas de litige, la jurisprudence est désormais claire : l’entreprise risque une condamnation quasi certaine si elle continue à exclure les congés payés du calcul des heures supplémentaires.

En résumé

Avant le 10 sept. 2025 Depuis le 10 sept. 2025
Les congés payés n’étaient pas comptés dans le calcul des heures supplémentaires Les congés payés doivent être comptés
Application du droit français interne Application du droit européen (CJUE)
Moins d’heures supplémentaires payées Plus d’heures supplémentaires pour les salariés
Faible risque juridique Risque contentieux élevé si non-conformité

En conclusion

Avec cet arrêt du 10 septembre 2025, la Cour de cassation affirme clairement la primauté du droit européen et met fin à une pratique qui désavantageait les salariés prenant leurs congés payés.

Ce revirement illustre une évolution vers un droit du travail plus protecteur, garantissant que le salarié ne soit jamais pénalisé financièrement pour avoir exercé son droit au repos.

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